vendredi 19 avril 2013

« Dernière Piste » de Taylor Stevens (Sang d'encre/Presses de la Cité) : la prochaine adaptation de James Cameron au cinéma !

Envoûtant, sombre et nerveux, Dernière Piste est un excellent premier thriller - signée d'un jeune Américaine d'autant plus prometteuse que son parcours personnel est fascinant - en cours d'adaptation par James Cameron, qui vous dépayse et en vous rendant un peu moins stupide. Inutile de dire que j'ai vraiment hâte de voir l'adaptation au cinéma.

Voici un petit commentaire que j'avais écrit un peu... à l'arrache :

 Gros succès aux Etats-Unis lors de sa sortie, à tel point que même James Cameron en a acheté les droits d'adaptation au cinéma via sa société de production, et qu'il va peut-être lui-même le réaliser - si l'on en croit une dépêche AFP - lorsqu'il aura terminé son cycle Avatar, Dernière piste d'une Américaine jusque là inconnue, Taylor Stevens, allait selon toute vraisemblance agiter le marché éditorial et les négociations pour les traductions étrangères, et ce sont les Presses de la Cité qui ont réussi à rafler ce que l'éditeur appelle en quatrième de couverture : « [un] roman âpre et rythmé, porté par un personnage étonnant ». « Taylor Stevens fait une entrée fracassante dans l'univers du thriller », et effectivement, c'est le cas de le dire ! 
                                                                                     Voici le résumé :
 « Emily Burbanks, jeune Américaine idéaliste partie explorer le continent africain, n'a pas donné signe de vie depuis quatre ans. Une seule personne peut la retrouver : Vanessa Munroe.Spécialiste du renseignement, Vanessa Munroe sillonne le globe afin de récolter des informations pour ses clients, principalement des entreprises prêtes à payer le prix de son expertise. Intuitive et capable de s'adapter à toutes les situations, elle n'en demeure pas moins une femme meurtrie. Elevée en Afrique par des parents missionnaires, Munroe a fugué lorsqu'elle était adolescente pour suivre une bande de trafiquants d'armes. Mais un drame l'a forcée à fuir, et à ne jamais regarder en arrière.
Lorsque Richard Burbank, un riche entrepreneur texan, lui demande de retrouver sa fille adoptive disparue en Afrique, Munroe voit dans cette mission l'occasion d'affronter enfin les vieux démons qu'elle a laissés en quittant ce continent. »
 Je le dis tout de suite : je me suis totalement laissé emporter par ce roman effectivement atypique. Le cocktail que je décrivais plus haut dans mes précédentes interventions sur ce fil comme étant « du pur thriller qui file à cent à l'heure, mélangeant suspense, action, rebondissements, enquête et aventure, avec une bonne touche de dépaysement et d'exotisme (ici l'Afrique). Bref, « du redoutablement efficace ».

Ce roman a été une bonne surprise et je l'ai vite dévoré, totalement envoûté par l'aspect sombre et périlleux d'une Afrique dont Stevens réussit étonnamment bien à restituer l'aspect chaotique.
Un continent dont les pays les plus pauvres sont - comme ici, par exemple, la Guinée équatoriale, l'un des lieux où se déroule cette aventure un peu à la Delivrance de l'héroïne Vanessa Munroe - à la merci des grandes puissances financières internationales mais où, malheureusement, les populations, elles, sont visiblement abandonnées par la « communauté internationale ». Celle-ci se satisferait-elle de pouvoir éventuellement coopérer avec les dictateurs et autres tyrans locaux qui dirigent de tels pays ? Toujours est-il que ceux-ci sont donc, forcément, des proies idéales pour les grandes multinationales du capitalisme qui ont creusé leurs tombes et continuent de le faire, vraisemblablement en toute impunité.
D'ailleurs, croise t-on dans ce polar le moindre personnage qui permettrait, alors, de croire qu'il s'y trouve quelque reporter que ce soit ? Niet.
Suivez-donc plutôt le guide : Taylor Stevens, elle justement, y a vécu...

Cet état des lieux, que ce polar parvient parfaitement à restituer en filigrane de son histoire, et avec une grande subtilité, est donc à mon avis l'une des grandes réussites de Dernière piste.
En plus de divertir parfaitement le lecteur.
Du coup, on en oublie totalement certaines éventuelles grosses ficelles (parce qu'il faudrait vraiment que je le relise pour être sûr qu'il y en ait tant que ça, en réalité !), et le caractère, lui, un peu trop manichéen de l'héroïne de Stevens, qui est quand même l'archétype parfait.
Celui de ces héros légèrement bourrins qui réussissent tout ce qu'ils entreprennent, échappent systématiquement à la mort, mènent leur mission comme des rouleaux-compresseurs, et dont on sait d'avance que s'ils ne cessent de frôler la mort, d'affronter les coups, toutes les cicatrices qu'ils reçoivent lors de leurs périples seront vite estompées au fur et à mesure de leurs multiples combats.

D'où le vague mix du pendant féminin de personnages comme Jack Reacher et Jason Bourne auquel me fait forcément penser cette Vanessa Monroe.

 Certes il s'agit d'un premier roman, donc Taylor Stevens n'est pas non plus Lee Child. D'ailleurs, le créateur de Reacher n'est probablement pas non plus Robert Ludlum...

D'autant plus que la jeune américaine s'est directement inspirée de sa propre expérience, pour le moins chaotique et singulière, pour imaginer son héroïne.

Car Taylor Stevens est née de parents appartenant à la secte des « Enfants de Dieu » - si j'ai bien compris en lisant par la suite son second roman, Infiltrée, dont je vous parlerai plus tard, car lui est très (très) loin d'avoir les qualités de Dernière piste.
Quoique, là aussi, ce second opus de la série a au moins le mérite de présenter - à défaut d'une intrigue et de dialogues suffisamment travaillés pour en faire un aussi bon polar - une vision intéressante - car, elle aussi tirée du réel et du vécu de l'auteur -, de ce qui peut se passer au sein de cette secte particulièrement glauque.

La quatrième de couverture nous apprend en effet qu'elle a passé son enfance et son adolescence à parcourir le monde aux rythme des déplacements de ses disciples de parents : de quoi traumatiser une gamine. Elle s'est sans doute lancée dans l'écriture par une espèce de catharsis.
Si l'on suit la présentation qu'elle fait de son héroïne, et même si elle a romancé l'ensemble en se projetant en une femme instinctive et débrouillarde, alors on peut imaginer ce qu'elle a vécu.


Evidemment, ce n'est pas non plus le « chef d'oeuvre » du siècle, soyons clairs. Mais Dernière piste n'en reste pas moins envoûtant, noir et sauvage, un très bon thriller en cours d'adaptation, donc, par le réalisateur, entre autres, de Terminator  !
Voilà donc un excellent polar en « milieu hostile », qui vous dépayse vraiment et en vous rendant un peu moins...bête. Voilà qui est suffisamment rare pour être signalé, quand même.
Inutile de dire que j'ai vraiment hâte de voir l'adaptation au cinéma.



PS : Puisque la 3ème aventure de Vanessa Monroe, The Doll, vient de paraître en tout début d'année aux USA,  j'ose simplement espérer que, si on a la chance de pouvoir en lire un jour la traduction française, ce sera alors également le cas, au moins, des deux autres auteurs aussi talentueux que prometteurs que sont l'Ecossais Gordon Ferris, publié dans la même collection en février 2012 avec un vrai bijou noir, La Cabane des Pendus, ainsi que l'Italien Roberto Costantini, avec son tout premier roman, Tu es le Mal. Lequel  est en plus le premier opus d'une trilogie, d'autant plus prometteuse que ce premier polar a lui-même été un succès, critique et public, lors de sa sortie en Italie...
Oublions donc le fait que ces deux premiers romans soient passés inaperçus lors de leurs sorties en France, et peut-être qu'ainsi, la collection aurait du coup l'occasion de s'enrichir de nouveaux brillants romans noirs... pour peu que l'on n'abandonne pas tous ces nouveaux auteurs au moindre échec commercial. Car de toute manière, tôt ou tard, on les retrouverait alors édités, mais par d'autres.
Je rappelle d'ailleurs que si Tu es le mal de Costantini est un beau pavé, forcément un peu coûteux à traduire et donc difficilement rentable du premier coup, il faudrait alors particulièrement soigner sa sortie - surtout au beau milieu d'une rentrée littéraire au sein de laquelle il a été forcément noyé. D'où l'importance, à mon humble avis, d'avoir retenu la leçon de François Guérif : suivre ses auteurs ! Et donc ses propres coups de coeur.
D'ailleurs, si le pari d'alors que fut la publication de la première trilogie - pourtant au moins tout aussi chère, j'imagine, pour l'époque - de James Ellroy a finalement pu être réussi, ce serait en tout cas bien  la leçon qu'il faudrait pouvoir retenir de tout cela, non ?
Du coup, quand bien même la trilogie de Costantini ne serait alors qu'amortie, cela en ferait ainsi, de toute manière, un nouveau brillant auteur, enfin bien installé, dans ce catalogue pourtant déjà si riche et prometteur qu'est celui de Sang d'encre. Et qui ferait des envieux, peut-être bien...
Un peu comme la collection Ombres Noires a su, elle et tout récemment, lancer brillamment La Dette, le premier opus d'une toute autre trilogie, sud-africaine celle-ci, et nommée Vengeance  : celle de Mike Nicol, pour ne prendre que cet exemple bien précis, mais pour le moins... exemplaire.

Mais bon, moi je dis ça en tant que simple lecteur, pas plus, je ne prétends à rien, et encore moins - surtout pas ! - à vouloir donner des leçons à des professionnels qui, eux, savent de toute manière beaucoup plus précisément que moi en plus, ce qu'ils ont à  faire !
Je fais juste quelques appels désespérés en tant que tel, à celui ou ceux qui, peut-être, sauront m'entendre, un jour ou l'autre...
Surtout que, comme Alessia Gazzola - que je n'ai malheureusement pas eu la chance de lire jusque là - va revenir en librairie avec une nouvelle enquête de son héroïne Alice Allevi, déjà croisée dans La mauvaise élève, et justement elle aussi très remarquée en Italie, j'aurais de mon côté à vous parler de Roberto Costantini, donc, de Gordon Ferris, mais aussi de Mick Herron (lire l'excellente La Maison des tocards, malgré son titre) et de l'Irlandaise Jane Casey.

Quant à Tom Bale et Greg Iles, eux aussi, j'expliquerai pourquoi j'ai aimé leurs thrillers et que je pense que de toute façon, encore plus en ce qui concerne la série du premier, je suis à peu près certain qu'on ne devrait pas trop tarder avant d'en entendre, un jour ou l'autre, parler, même chez un autre éditeur, qui sait ?
Un peu comme le talentueux scénariste et auteur Gregg Hurwitz ...?



Dernière Piste, Taylor Stevens, Presses de la Cité, coll. Sang d'encre, 2011, 408 pages, 21 €.
Infiltrée, Taylor Stevens, Presses de la Cité, coll. Sang d'encre, 2012, 380 pages, 20 €.
Traductions de l'anglais (Etats-Unis) par Frédéric Grellier.