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vendredi 28 juin 2013

Pommes - Richard Milward (Asphalte/Points Seuil) : un régal !

Présentation de l'éditeur :

Adam aime Eve. Eve sait à peine qui est Adam. Adam tente de survivre aux raclées de son père en écoutant les Beatles. Eve s'oublie dans l'alcool, la drogue et le sexe sans plaisir.
Dans les quartiers ouvriers de Middlesbrough, au nord de l'Angleterre, l'expérience de la vie est souvent très violente. À quinze ans, Adam et Eve ne le savent que trop bien.
Ce ne sont pourtant que des enfants.

Né à Middlesbrough en 1984, Richard Milward a publié son premier roman, Pommes, à 22 ans. Depuis, il a étudié les Beaux-Arts à Londres.
Il peint, écrit et travaille à l'adaptation cinématographiques de Pommes.
Les éditions Asphalte viennent de publier (mars 2013) son second roman, Block Party (: un roman à dix étages).
> Entretien avec l'auteur sur le blog des éditions Asphalte
> Site de l'auteur : www.richardmilward.com 


Mon avis : Amour, amitié, drames, cancer, viol, apprentissage de la vie à la dure, sex, drugs & rock'n'roll...

Enorme coup de coeur pour ce premier roman du jeune Richard Milward, Pommes

Reçu avec le reste du "Manifeste des Enfants sauvages" publié par Points en début d'année - avec notamment la nouvelle traduction de Trainspotting de l'Ecossais Irvine Welsh -, je l'ai ouvert il y a quelques jours, par hasard, après avoir lu une chronique de Bloc Party : un roman à dix étages, le second, donc, publié chez Asphalte, de Richard Milward dont le nom m'avait alors dit quelque chose. 
Un coup d'oeil dans ma bibliothèque où j'avais placé les fameux bouquins, et j'en ressortais avec cette petite perle d'à peine 250 pages. 
Un grand roman pour un grand-huit émotionnel, bourré de vie, cru et très noir aussi. Pour le prix d'un paquet de cigarettes, vous allez vous aussi planer, traverser des bons délires, parfois des mauvais trips, mais c'est la vie qui est comme ça, avec ou sans drogue. Espoirs et désillusions, amours et déceptions, lassitudes et gros enthousiasmes, Pommes ne verse jamais ni dans le pathos ni dans l'insouciance stérile, sans pour autant être moralisateur.

Un régal, glacé et glaçant, et pourtant pétillant, plein de couleurs et de vie. Même si la mort plane et s'incarne dans quelques scènes particulièrement dramatiques - et tristes.
Car c'est aussi un condensé de toute la violence des rapports humains, amplifiés par l'alcool ou la drogue qui fait de ce texte plein de couleurs un chef d'oeuvre. Heureusement, l'auteur, comme il le révèle dans l'interview disponible sur le blog d'Asphalte, a voulu que son roman soit "atemporel" - le meilleur moyen, sur un tel sujet, d'en faire un livre intemporel, au vu du résultat foudroyant -, et si parfois ces jeunes envoient des messages ou sentent qu'on les appelle, Dieu merci ils n'ont pas internet, comme c'était le cas dans les années 1990.
Il n'est donc pas question de réseaux sociaux qui, par leur virtualité, n'auraient alors qu'apporté morts et suicides dans de tels cas. Comme c'est déjà trop souvent le cas aujourd'hui.

L'alternance du récit entre Eve avec Adam - chez lui dans sa chambre, puceau tabassé par son père qui n'a d'yeux que pour elle, la belle, toujours souriante et qui attire tous les beaux gosses et autres mecs plus vieux parmi lesquels elle pioche instinctivement au gré de ses sorties et de ses rencontres, alors que lui n'a encore rien expérimenté, si ce n'est la musique qui le fait vibrer et oublier ses TOC -, et le langage oral du texte hypnotise le lecteur dès la première page. 

La magie - noire et blanche - opère immédiatement.
Petit à petit, l'oiseau va sortir de son nid, et oubliera même les coups et autres virées à l'hôpital que peuvent engendrer la jalousie lorsqu'il parviendra ne serait-ce qu'à échanger deux phrases avec Eve. Mais le temps qu'elle le remarque, sa vie à elle continue, tandis que lui, transi d'amour, peut gamberger pendant des jours suite à un bisous sur la joue si c'est Eve qui le lui donne. 

Histoire d'amour aussi magnifique qu'elliptique qui n'est d'ailleurs pas sans me rappeler celle que l'enquêteur finit par ressentir à force de côtoyer Cassie Maddox dans le sublime premier roman de Tana French (Ecorces de sang). Mais là encore, et comme dans la vie, le lecteur devra accepter de ne pas toujours tout savoir des personnages, et de comment tout cela peut finir. 
Chez Milward, au bout des 245 pages, on voudrait le supplier pour qu'il écrive une suite. `Laissons plutôt les personnages de Pommes, que l'on aura connu durant une année environ et qui ont déjà tous grandis trop vite, tenter de vivre leur propre vie, enfin.
Qu'est ce que c'est bon, putain, de croquer ce roman ! 

À noter que, comme souvent pour les livres édités par Asphalte, une "Playlist" mixée par l'auteur est proposée : Beatles, Jefferson Airplanes, Laurent Garnier, Rolling Stones, et quelques autres feront une parfaite bande-son pour votre lecture !


Pommes, de Richard Milward [Apples, 2007], traduit de l'anglais par Audrey Coussy, Asphalte éditions 2010, Points Seuil 2013, 250 pages, 6,70euros.


13e NOTE Editions : Des histoires cousues de fil noir

         Auteurs extrêmes sous haute tension

Oui, je sais, je débarque. Cette petite maison d'édition, déjà grande de par son énergie, son professionnalisme, ses maquettes et son identité visuelle, est l'un de mes grands coup de coeur de cette année. 
Tout à commencer à l'occasion d'une une visite sur un site de vente en ligne, où le titre d'un article m'avait (forcément) accroché et intéressé : « 13e Note, littérature enragée ! ». Enragé que je suis (mais tout gentil, je rassurez-vous!), je ne pouvais que jeter un oeil à ce qu'avait rédigé ce vendeur de la Fnac (damned ! J'ai failli rester discret...). Et dans la liste des premières publications qu'il avait dressées, un certain Rob Roberge avait attiré mon attention.
Doublement même, puisque 6 ans plus tôt, j'avais acheté son premier roman noir, Panne sèche, paru alors en Série Noire. Branle-bas de combat parmi mes étagères puis mes cartons, jusqu'au verdict implacable de stupidité : je l'avais revendu quelques années plus tôt, quand j'avais eu besoin d'argent et alors que j'avais encore le cerveau suffisamment embrumé pour ne pas me rendre compte de l'énorme erreur que je commettais. Toujours est-il que s'il n'avait vraisemblablement pas eu le succès escompté pour la SN, c'est toujours un excellent signe lorsqu'une maison d'édition redonne sa chance à un auteur déjà passé à la trappe de la rentabilité dans notre beau paysage éditorial. [ Un peu comme Stock et sa nouvelle collection La Cosmopolite Noire qui a eu l'extrême bon goût littéraire de republier l'Irlandais Adrian McKinty au printemps, alors que ses quatre précédents romans, dont une trilogie culte, n'avaient là encore pas récolté le succès escompté par la même SN. (Petit clin d'oeil à son traducteur d'alors, Patrice Carrer, désormais directeur d'ouvrages chez 13e Note !) ]

Ce Rob Roberge venait donc d'être (miraculeusement) retraduit en France par cette toujours très juste 13e Note, avec La tête à l'envers, les pieds au mur en juin 2012.

Et puis, il y a eu tous ces noms d'auteurs qui me disaient quelque chose, mais dont bizarrement, le prénom ne correspondait pas. Fante, ça d'accord, mais pourquoi Dan, alors que ma mémoire reptilienne avait enregistré comme prénom correspondant John (merci à 10-18 et à leur exemplaire offert de Demande à la poussière, dudit John...Fante)? Bref, je pense que vous voyez où je veux en venir.... Et puis plein d'autres !
Fin mars dernier, je me rends en catastrophe, ou plutôt contre toute attente, aux Quais du Polar à Lyon. Et je suis interloqué dès le début par l'Américain Kent Anderson, d'autant plus que je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam. Mais trône fièrement à côté de lui une pile mettant en valeur un remarquable petit objet, un livre, Pas de saison pour l'enfer. Accroché, il me semble, à la table derrière laquelle l'auteur est assis, un bandeau indique : « Par l'auteur de Sympathy for the devil ».
Saluons entre parenthèses la toujours excellente collection Folio Policier qui a eu la bonne idée de rééditer ce classique dont le titre ne me disait alors que très vaguement quelque chose...
L'auteur, s'adressant à moi, m'a fait comprendre, grâce à une charmante jeune femme qui se tenait au même stand, que son nouveau livre « ne parle pas que de guerre, mais aussi d'agneaux et de chevaux ». Décontenancé et intéressé, j'étais. Avec cette sensation qu'il s'agissait d'un grand auteur à lire. Dommage cela dit que je ne lui ai pas acheté sur le coup son livre, qu'il se serait fait un plaisir de me dédicacer. Ce n'était qu'à mon arrivée dans la grande salle des dédicaces, je voulais faire d'abord un tour, etc... mais je compte bien me rettraper au plus vite, notamment en faisant un coup double avec ces deux récits.
Pour abréger là, et parce qu'il reste un mois pour en profiter, sachez que les éditions 13e Note, pour l'achat de deux titres parmi leur catalogue, vous offrent le livre d'Alfredo Morano, Le journal de Sharon. Débrouillez-vous pour trouver une librairie proche de chez vous qui participe à l'opération !

Dans leur catalogue, des auteurs comme Barry Gifford (Sailor et Lula, paru au début des années 1990 chez Rivages et adapté au cinéma), Tony 0'Neill, Jerry Stahl, Patrick O'Neil, Charles Bukowsky, Dan Fante, Mark SaFranko et tant d'autres que vous retrouverez sur leur site : www.13enote.com.

Et n'oubliez pas qu'ils ont également lancé depuis 1 an leur propre collection poche, « Pulse », composée de titres déjà parus en grand format chez eux, et d'inédits !

Je les remercie pour leur gentillesse et l'envoi de leur (très beau, lui aussi) catalogue !

lundi 20 mai 2013

BANDE-ANNONCE : « Les Lumineuses » de Lauren BEUKES (Sang d'encre/Presses de la Cité)



Lauren Beukes crée l'évènement cette année avec son roman Les Lumineuses.

Déjà très remarquée il y a 2 ou 3 ans par beaucoup d'amateurs de science-fiction, de fantasy ou, plus largement, de littérature de l'imaginaire, lors de la parution de  Zoo City, récompensé par le prestigieux Prix Arthur C. Clarke 2011 et réédité ce mois-ci aux Presses de la Cité après une première publication en France aux éditions Eclipse,  Lauren Beukes va très certainement s'ancrer aussi, et définitivement, dans le domaine du thriller et du roman noir avec Les Lumineuses.
En cours de publication dans pas moins de 20 pays, si c'est l'un des romans les plus attendus de l'année, c'est aussi parce qu'il révèle une nouvelle voix qui nous vient d'Afrique du Sud. Et si tous les amateurs de polars auront évidemment remarqué - et/ou lu - les déjà excellents Deon Meyer (dont le nouveau roman, 7 Jours, paraît lui aussi ce mois-ci), Roger Smith et Mike Nicol, il faudra bien qu'ils comptent aussi, désormais, avec une femme, talentueuse, hors-norme, bref, « inclassable » - comme la définit si bien son éditeur -, la si jolie Lauren BEUCKES !
Lisez-moi ça... 

« Elle a survécu.
Il pensait l'avoir tuée.
Elle veut se venger.
Il va la retrouver. 


 1931, Chicago. Traqué par la police, Harper Curtis, un marginal violent, se réfugie dans une maison abandonnée. A l'intérieur, il a une vision : des visages de femmes, auréolés de lumière. Il comprend qu'il doit les trouver... et les tuer. Dans sa transe, Harper découvre que grâce à cette demeure, il peut voyager dans le temps. Débute alors sa croisade meurtrière à travers le XXe siècle : années 1950, 1970, 1990... D'une décennie à l'autre, il sème la mort sur son passage, laissant en guise de signature des indices anachroniques sur le corps de ses victimes.
Mais l'une d'elles survit aux terribles blessures qu'il lui a infligées. Et va tout faire pour le retrouver. 


Atypique, violent, cinématographique, novateur, féministe... Autant d'adjectifs pouvant qualifier Les Lumineuses, LA révélation de la collection Sang d'encre cette année.  »
(source : www.pressesdelacite.com )

Plus d'infos  :

 La biographie de Lauren Beuckes :
 Inclassable. Cet adjectif semble avoir été inventé pour définir Lauren Beukes. Car la Sud-Africaine ne se contente pas d'être écrivain. Elle est aussi journaliste, scénariste, auteur de documentaires et de bandes dessinées. Comparée à William Gibson, Aldous Huxley ou encore George Orwell, dont on dit qu'elle assure brillamment la relève, Lauren Beukes s'est fait connaître des amateurs de littérature de l'imaginaire grâce à ses romans d'anticipation : Zoo City (Presses de la Cité, 2013), qui lui a valu en 2011 le prestigieux prix Arthur C. Clarke, et Moxyland, un roman cyberpunk encensé par la critique. Noir et dérangeant, Les Lumineuses, thriller d'un genre nouveau qui joue avec les codes du fantastique, est en cours de publication dans une vingtaine   de pays.
Son site internet : http://laurenbeukes.com/
L'auteur, vu par son éditeur : Focus sur Lauren Beukes

Et surtout, les premiers coups de coeur de libraires, dont celui du Pro du Polar (un libraire comme on aimerait tous en avoir un près de chez soi) :
CRITIQUE:
LES LUMINEUSES est une pépite de l’année 2013!!! Un Serial-Killer hors norme sévit à travers les époques pour tuer des femmes par le biais d’une maison abandonnée…
Une traque sans merci et sans répit va commencer avec l’une de ses victimes qui a survécu à sa mort!!!
C’est un scenario captivant par son  originalité et son rythme qui va de crescendo en crescendo vers un final éblouissant…
(source : http://produpolar.blogspot.fr/ )

Lire les premières pages : ici

Le site de la collection : www.collectionsangdencre.fr  

Les Lumineuses vient donc de débarquer en France dans l'excellente collection Sang d'encre qui,
pour le coup, a revêtu ses plus beaux habits et nous a offert un petit écrin remarquablement édité, élégant, sobre, mais très efficace. Vous aurez même droit à un marque-page pour vous souvenir de Zoo City... 

... Et lire ici l'entretien avec Lauren Beukes qui avait été publié sur le blog des éditions Eclipses lors de sa première publication française en 2011. 
 L'auteur y dévoilait déjà son projet de « voyage dans le temps », qu'elle fait subir à ses personnages dans Les Lumineuses, ainsi qu'à Harper Curtis, son serial-killer lui aussi inclassable...


 Je reviens vous en parler dès que je peux.



Les Lumineuses, de Lauren Beukes (The Shining Girls), Presses de la Cité, coll. Sang d'encre, traduction de Nathalie Serval, 2013.









dimanche 12 mai 2013

« Une semaine en enfer » de Matthew F. Jones, une pépite noire d'une beauté à couper le souffle.

Présentation de l'éditeur :
Abandonné par sa femme et leur jeune fils, John Moon vit dans une misérable caravane en
Un jour, il part braconner et, croyant tirer sur un daim qui s'enfuit à travers les bois, il abat une jeune fille. C'est sa première faute, les autres suivront...
Pourtant, cette fois-ci, John ne se laissera pas faire. Il se lance dans une fuite en avant désespérée, bien décidé à prouver à tous qu'il peut s'en sortir.
Mais depuis quand les losers auraient-ils une seconde chance?
lisière de la forêt, désabusé et aigri : son père, ruiné, a vendu la ferme, et depuis John survit de petit boulot en petit boulot.
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pascale Haas.

L'auteur
Matthew F Jones vit à Charlottesville en Virginie. Il a écrit de nombreux romans noirs, ainsi que des scénarios de films. Une semaine en enfer est en cours d'adaptation au cinéma.
 Pourquoi faut-il le lire ?

Parce qu'il s'agit en plus du premier roman de Matthew F. Jones, publié intialement aux States en 1996, par Mulholland Books - un "département" de Little, Brown and Company (Michael Connelly, Walter Mosley, Georges Pelecanos, et bien d'autres très grands...), qui plus est -, et parce qu'il nous aura donc fallu, à nous autres pauvres lecteurs français et francophiles, attendre pas moins de 17 ans pour pouvoir le découvrir !... Le temps que Béatrice Duval le sélectionne pour faire partie, avec Des Nœuds d'acier de Sandrine Collette, des deux romans soigneusement choisis pour inaugurer, en tout début d'année 2013, la résurrection inespérée de la fameuse collection Sueurs froides des éditions Denoël.

Ce que j'en pense:  Nerveuse et sauvage, une sombre tragédie, d'une beauté à couper le souffle.
.
Que ce soit le titre, en VO - « A single shot » - ou en français, Jones aura alors, dès 1996, dévoilé toute l'ampleur de son talent. Un peu à la manière aujourd'hui d'un Donald Ray Pollock ( « Knockemstiff » ou « Le Diable, tout le temps » ), d'un Frank Bill ( « Chiennes de vies » ) ou d'un Kevin Powers ( «Yellow birds »), et mis à part que les deux premiers auront débuté par un recueil de nouvelles
 Mais d'emblée avec ce roman, on ne peut d'ailleurs s'empêcher de penser aussi à David Vann et à « Sukkwan Island » en priorité.

Car John Moon - dont le début de vie en tant qu'adulte avait alors toujours reposé sur son son père - a désormais tout perdu.
Ainsi, il vivote maintenant au jour le jour grâce au braconnage, vit dans une pauvre caravane accrochée au maigre lopin de terre qui lui reste de son paternel; celle-ci ayant été vendue il y a déjà fort longtemps à un banquier du coin qui était alors venu réclamer au père de Moon l'argent que sa banque lui avait prêté. Ruiné, acculé, celui-ci n'avait pu que vendre à regret cette terre, celle qui les avait toujours nourris, lui et sa petite famille : lui, le père, sa femme, et son gosse John.
C'est pourquoi, aujourd'hui, John Moon non seulement vit dans ces conditions misérables au sein d'un paysage pourtant magnifique, et avec un voisin qui lui propose même un job pour au moins tenter de se "fixer" durablement, mais il doit également subir le départ de sa femme. Laquelle est partie se réfugier dans un petit appartement, vivotant grâce à un job de serveuse dans le snack du coin, mais emmenant avec elle la prunelle des yeux de John : son fils.
Malgré cela, John survit. C'est un battant, et s'il parvient à survivre, c'est avant tout parce qu'il vit au jour le jour, certes, mais aussi parce qu'il a des valeurs, des valeurs d'homme. Il ne baisse jamais les bras, même aux pires moments, même lorsqu'il ne semble y avoir plus aucun espoir. Car si tout le monde voit en John Moon un loser, tous se trompent.
Car contrairement à ce que pourrait faire penser l'accroche un peu éculée de quatrième de couverture -
Lui a un fils et y tient plus que tout au monde. Il ferait tout, n'importe quoi, pour que celui-ci ne manque jamais de l'appui de son père.
Tout comme John, mis à part que lui, plus jeune, a pu voir le sien mourir à petits feux des suites d'une grave maladie, laquelle aura non seulement emporté son père, mais l'aura aussi privé de tout futur possible, et même, visiblement, de tout bonheur possible.
« Il lui dit que, à son âge, son seul projet était d'épouser la fille qu'il aimait, de la ramener à la ferme familiale, d'être le meilleur paysan possible et d'élever ses enfants pour qu'ils en fassent autant, et que le fait que son père ait tout perdu quand il avait seize ans l'a laissé aussi handicapé que s'il avait eu un accident de voiture et perdu l'usage de ses jambes. »

Alors ce matin-là, lorsque John part braconner un cerf qui le nargue maintenant depuis des jours, représentant la viande, malheureusement chère, dont son fils a besoin pour bien se nourrir et ainsi ne manquer de rien, tout bascule. La pauvre petite vie minable de John trébuche.

Car dès lors qu'il tire par mégarde sur cette fille, croyant enfin abattre ce cerf qu'il pourchasse depuis des heures, il se rend compte, petit à petit, que c'est bel et bien une vie qu'il vient d'ôter. La vie d'une toute jeune ado qui, malgré ses propres difficultés, aurait pourtant pu grandir, mûrir, devenir une jeune femme séduisante, une mère. Et une femme aussi. Peut-être pas celle de son fils, ni même la sienne, puisqu'il compte bien tout faire pour tenter d'annuler son propre divorce, mais John comprend très vite qu'il vient de commettre l'irréparable. Par erreur. Une simple, une seule erreur.
Mais qui risque bien de l'entraîner, en à peine quelques jours, et s'il ne se bat pas de toutes ses forces, en prison.
Là où plus jamais il ne pourra voir son fils. Là où plus jamais son ex-femme ne voudra ne serait-ce que lui rendre visite. La prison, l'enfer.

Je ne suis certainement pas prêt d'oublier John Moon, ni d'ailleurs ce magnifique mais terriblement sombre
roman.
D'une beauté fraîche et éclatante qui, peu à peu, s'assombrit de plus en plus tandis que le récit déroule peu à peu un piège implacable qui se resserrera lentement autour de la gorge nouée de son magnifique personnage principal, ce premier coup d'éclat de Matthew F. Jones donne terriblement envie de pouvoir lire un jour ce qu'il a écrit par la suite - c'est-à-dire depuis maintenant près de dix-sept ans...
 Pas étonnant d'apprendre finalement qu'Une semaine en enfer est déjà en cours d'adaptation pour le cinéma.
Ou quand le cinéma permet aussi de redonner une seconde vie à une oeuvre littéraire oubliée depuis un peu trop longtemps...
Espérons seulement que le metteur en scène et que la production suivent. Non pas forcément pour en faire un « blockbuster », mais au moins pour que toute la beauté et le lyrisme de l'écriture impressionniste de Jones puisse être retranscrite à l'écran.
Car Matthew F. Jones, justement, dans la pure veine de ce qu'on appelle aujourd'hui le "nature writing", y dépeint une nature à la fois si belle et magnifique, mais aussi si libre et sauvage, qu'elle en finit par en être également oppressante, voire même menaçante tant elle est également omniprésente au fur et à mesure que se déroule implacablement ce récit, dont elle est, justement et plus que jamais, un personnage à part entière.

Or, avec l'auteur, et pendant que Moon se débat pour survivre malgré la simple mais pourtant terrible erreur qu'il vient de commettre involontairement, chaque plante, chaque arbre, chaque oiseau ou chaque animal a un nom bien précis.
D'où précisément cette sensation progressive de déséquilibre, de trop-plein, parfaitement à l'image de ce que finit par ressentir John, justement.Sans même compter cette macabre atmosphère de putréfaction qui se développe au fur et à mesure que ce noir récit se déroule, implacablement.

Un mélange à la fois fort, puissant, entêtant, dérangeant même, comme peut l'être ce polar implacable, qui fleure bon la terre, le tourbe, la sueur de l'homme au coeur des grands, sauvages et si beaux espaces américains.
.
PS : Je tiens tout particulièrement à remercier chaleureusement à la fois Babelio et les éditions Denoël de m'avoir permis, dans le cadre de cette opération Masse Critique,  de découvrir ce petit bijou de littérature noire.




« Une semaine en enfer » de Matthew F. Jones (A single shot), Denoël, coll. Sueurs froides, 2013.