Présentation de l'éditeur :
Johnny, célèbre coiffeur de la jet-set de Belém et habitué de la presse
people, est retrouvé mort à son domicile, visiblement d’un arrêt
cardiaque dû à une overdose. Mais le jeune inspecteur chargé de
l’enquête, Gilberto Castro, trouve sur les lieux des vidéos et des
photos compromettantes des ébats du défunt, impliquant des enfants…
Tâchant d’en apprendre plus, Gilberto se mêle aux amis de Johnny, tous
issus de la classe supérieure de Belém, et commence à soupçonner que la
mort du coiffeur n’a rien d’accidentel. Malheureusement, sa rencontre
avec l’une des proches du défunt, Selma, oiseau de nuit assoiffée de
fêtes et d’excès, risque bien de le détourner de son but et de le faire
replonger dans son ancien vice, l’alcoolisme… Belém nous fait découvrir
le côté sombre de la "cité des manguiers", métropole brésilienne située à
l’estuaire de l’Amazone.
Trafic de drogues, proxénétisme, pédophilie,
corruption : avec un réalisme cru, Edyr Augusto peint le portrait
terrible d’une classe supérieure sans scrupule qui se nourrit des plus
faibles. Une critique sociale rageuse portée par une écriture directe et
nerveuse.
L'auteur : Né en 1954 à Belém, Edyr Augusto est journaliste, poète et dramaturge.
Belém, son premier roman, a été publié dans son pays en 1998. D'autres titres ont suivi, dont Moscow
(2001), à paraître chez Asphalte en 2014. Très attaché à sa région,
l'État de Pará au nord du Brésil, il y ancre tous ses récits.
>> Source : www.asphalte-editions.com
>> COUP DE COEUR !
Mon avis : Sombre, violent et addictif, un véritable diamant noir d'une intensité dévastatrice !
L'écriture est habile, fluide et directe, toujours empreinte d'un
réalisme implacable, cru, parfois dérangeant lorsque l'horreur est
montrée sans fard, et pourtant dépourvu de surenchère - la cruauté sans
borne de nombreux trafiquants sud-américains ne relèvent malheureusement
pas de la légende.
L'intrigue, menée sur un rythme qui ne faiblit jamais, parvient pourtant
à montrer à quel point la ville a une influence capitale et néfaste sur
la vie et le parcours des personnages, réduits pour l'immense majorité à
l'état de chair humaine à louer, à vendre ou à exploiter. le poids de
la corruption pèse comme une chape de plomb indestructible sur une cité
gangrénée par la pauvreté, où l'argent est la seule valeur reconnue
alors que la vie d'un être humain ne vaut pas plus que l'éventuel
bénéfice financier ou sexuel dont on peut en tirer.
Loin de jouer les guides touristiques, Edyr Augusto écrit
avec rage et dénonce l'inhumanité de cette mégapole où il a toujours
vécu, certainement parce que l'écriture représente le dernier et seul
moyen qu'il a pour espérer ne serait-ce que "faire quelque chose", ne
pas se résigner.
Le résultat est plus qu'un polar unique et fascinant. Belém brille comme
un diamant noir encore un peu brut, dont certaines facettes
possèderaient un éclat éblouissant, profond et unique, là où d'autres
montreraient une noirceur plus sourde, plus rugueuse, plus abrupte et
plus sale aussi, à l'image de certains personnages dont l'humanité a
clairement marqué le pas et reculé face à la bestialité.
Et puis il y a cette noirceur toxique qui semble imprégner de plus en
plus le déroulement et l'atmosphère de ce roman, les actes de ses
personnages, dans un crescendo asphyxiant. Pourtant, Edyr Augusto n'en délaisse pas pour autant son intrigue.
Le premier chapitre, en cela, est trompeur, qui semble donner lieu à une
enquête classique sur la mort par arrêt cardiaque dans son appartement
d'un coiffeur de la jet-set, aimé de tous ses amis. Bien sûr, il y a les
coupelles de cocaïne qui l'entourent et qui auront pu précipiter
l'accident, mais si Gilberto Castro, membre de la police locale censé
incarner le renouveau de celle-ci qui se retrouve chargé de l'affaire,
en croit la domestique du coiffeur, celui-ci était « un homme bien ». Ce
qu'elle persiste à affirmer même quand, peu après, Castro découvre un
meuble chez la victime rempli de photos et de vidéos
pédopornographiques, qui prouvent que le coiffeur aimait à se filmer
lorsqu'il violait des enfants, y compris sa nièce, la fille d'une de ses
amies de la jet-set.
Avec un tel chapitre, on pourrait croire le roman déjà balisé, or
Gilberto Castro va être confronté à bien d'autres évènements, et
s'enfoncer au fur et à mesure dans une trame aux multiples ramifications
qui va vite prendre l'allure d'un cauchemar éveillé.
Avec ses portraits de personnages fascinants, son rythme trépidant, sa
noirceur brutale mais réaliste, on dévore ce roman exceptionnel comme
emporté par son ambiance vénéneuse.
C'est aussi tout ce qui fait la force, la puissance et l'intensité rares de ce chef d'oeuvre vénéneux et envoûtant.
Belém est l'une des grandes révélations du roman noir de cet hiver, et je languis déjà le 6 février prochain la parution de Moscow, le second roman d'Edyr Augusto.
Il est difficile de ressortir de Belém indemne. Ce n'est pas un roman
noir qui cherche à être aimable - il ne l'est pas - mais il irradie une
force et une intensité uniques et dévastatrices.
C'est incontestablement l'une de mes lectures les plus fortes et inoubliables de l'année.
J'en suis sorti en état de choc, avant de me retrouver en état de manque
et de plus savoir quel livre ouvrir pendant deux semaines !
C'est ce qu'on appelle une pépite, et en l'occurrence un véritable bijou
de littérature noire, qu marque les esprits... et qui fait mal.
PS : Je remercie infiniment les éditions Asphalte et Babelio pour cette magnifique et inoubliable découverte.
Belém de Edyr Augusto (Os éguas, 1998), traduit du portugais (Brésil) par Diniz Galhos, éditions Asphalte, coll. Fictions, 2013.